Sauve qui peut la vie

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Nicole Lapierre

Seuil, 2015

Nicole Lapierre part de la mythologie familiale et d’un certain déterminisme où les femmes de la famille décèdent par suicide ou accident.

Cette mythologie aurait influencé son être et son appétence pour la vie.

Le sauve qui peut la vie, c’est la ligne de fuite, l’échappée parfois belle. J’en fais volontiers ma devise. Il m’a fallu du temps pour comprendre que ce qui était une manière d’être – une tendance à parier sur l’embellie, un goût de l’esquive, un refus des passions mortifères, une appétence au bonheur envers et contre tout – avait aussi profondément influencé ma façon de penser.

L’auteur aborde différents sujets comme le suicide ou l’immigration. Chaque chapitre constitue une unité. J’ai apprécié le chapitre intitulé « L’héroïsme des immigrés » qui rétablit sous couvert sociologique la véritable épreuve que vivent les immigrés, luttant contre les images misérabilistes qu’on pourrait en avoir. Ce sont des acteurs de leur vie et il y a une « dimension héroïque dans tous les obstacles qu’ils auront à dompter. » .

Dans « Aléas de la mémoire », l’auteur aborde le patrimoine culturel le plus concret que sont les recettes de cuisine qu’on se transmet par les mots, les moments, les saveurs au lieu des savoirs. Les réflexions sur la mémoire juive sont intéressantes.

Le livre est parsemé de références et de citations de Saint John Perse, en souvenir de sa sœur qui lui lisait ces poèmes.

Je vois ce livre comme un message d’espoir, l’auteur y convie l’histoire de sa famille et ses connaissances sociologiques et historiques. Ses recherches traduisent avant tout un désir personnel d’en savoir plus sur sa famille et de répondre à ses questionnements.

Elle nous offre une vision positive des migrants et de leur héroïsme à tout quitter et à surmonter tout un tas d’obstacles pour une vie meilleure ou tout du moins satisfaisante. Elle pose aussi la question des interrogations identitaires sur ce qu’est être juif, la transmission ou pas du patrimoine culturel et de ce lourd héritage du passé. On peut élargir ce questionnement à tous les déracinés géographiques ou sociaux. J’ai compris que Nicole Lapierre a voulu nous montrer qu’il n’y a pas de déterminisme, que nous sommes les acteurs de notre vie et que c’est à nous d’être cette somme de tant de multiples et de vivre le mieux possible. Halte au fatalisme, à la figure de victime, de souffrance. Vivons. En ces temps difficiles, cela est de plus en plus d’actualité. La lumière viendra de nous tous et l’obscurité ne passera pas.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016

Manuel de l’écriture et de survie

Manuel de survie et d'écriture

Martin Page

Points, 2015

J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre. J’avais été attiré par le titre. Ce livre est un avant tout un hymne à la vie, à la nécessité d’Etre dans la vie, être soi et assumer ce qu’on est, même si on n’est pas conforme au modèle social. Bien sûr, c’est un hymne aux livres, à la lecture, à la littérature et à la création.

Cela donne envie de lire (j’ai noté tout un tas de références) mais aussi de faire tout un tas de choses en rapport avec sa part créative : écrire, dessiner…

Ce livre se présente comme un échange épistolaire entre un écrivain et une jeune écrivaine, Daria.

L’art est un art de vivre et de combattre. N’oublie jamais cela ceci, chère Daria : le monde est magique et nos pouvoirs sont infinis. Il n’y a qu’une chose à faire des violences, des jalousies, des dégueulasseries, de tous les coups et des mensonges : les dévorer. C’est notre faim qui nous sauve. 

Les livres sont mes objets préférés et parmi mes plus grandes sources de plaisir justement parce qu’ils se nourrissent du monde et des autres arts. Le livre est un objet merveilleux par sa faculté à tout assumer. 

Tout a commencé par des romans, ils m’ont formé, ils m’ont appris à poser un regard passionné et scrutateur sur les choses, à transformer images et sensations en mots. Mais peu à peu, la lecture est devenue une faculté propre, un don qui s’appliquait à tous les objets. Les livres nous enseignent ceci : le monde entier se lit. Il n’y a pas d’évidence. Voir, entendre, goûter sont des entrées en matière. Ensuite, il faut lire. Les choses ne sont pas données. Nous les saisissons et nous les décodons. La lecture est une expérience générale et permanente. Il ne devrait pas y avoir de différence entre nos yeux qui suivent une ligne de texte et ces mêmes yeux qui regardent la personne qui se trouve en face de nous. 

J’ai copié tout un tas de passages sur mon carnet ainsi que des références de livres telles que la « Correspondance » de Flaubert que je n’ai pas encore eu l’occasion de lire. J’ai aimé aussi ses mots sur la solitude qui peut être difficile et l’est moins quand elle devient « un espace de liberté et de création ». C’est un livre positif qui donne envie et qui booste. Je vais le garder précieusement et le relire certain passage  de temps à autre.