Femme à la mobylette

Jean-Luc Seigle

J’ai Lu, 2018

Après avoir lu et apprécié « Je vous écris dans le noir » pour le Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016, j’avais envie de découvrir un autre titre de Jean-Luc Seigle et ce choix s’est porté sur « Femme à la mobylette ». Le titre déjà m’intriguait. J’ai été heureuse de retrouver l’écriture de Jean-Luc Seigle dans ce portrait de femme, Reine dont la vie ne semble pas être aussi majestueuse que son prénom.

Mère, élevant seule ses trois enfants, suite au départ de son compagnon, vivant en pleine cambrousse, dans une masure gardant trace de sa vie commune désordonnée. Sans moyen de transport, elle ne peut travailler dans cette campagne isolée. En rangeant la montagne de ferraille du jardin, elle trouve une mobylette en bon état et c’est le début d’un nouveau départ : un travail où elle peut exercer son talent, l’amour charnel et plus avec Jorgen, la vie heureuse avec ses enfants…

On baignera dans cette conquête de la liberté et de l’indépendance trouvée. Ses enfants occupent une place importante dans son esprit. L’ouverture du livre est inquiétante liée à une incertitude dramatique. Ce passage est tout en tension dans la nuit profonde où se trouve Reine. Cette nuit tendue à l’extrême exprime le désarroi le plus total où se trouve cette jeune femme de 35 ans. Sombrer pour mieux repartir. C’est ce qu’elle fera selon son point de vue. Un autre point de vue sera celle de son avocate qui nous plongera dans une toute autre réalité.

J’ai retrouvé dans l’écriture de Jean-Luc Seigle son attachement tendre à ses personnages. Nous sommes touchés par cette femme qui nous montre beaucoup de courage et qui veut avancer. J’ai lu ce livre comme un témoignage de la vie de beaucoup de femmes seules qui élèvent seules leurs enfants et qui peuvent être vite submergées et où tout devient très compliqué. Rouler en mobylette à une autre époque était un symbole de liberté et de défiance. J’ai vu ce personnage ainsi : une femme libre vivant ce qu’elle a à vivre et se défiant du regard des autres. Cette liberté l’a menée à sa fin.

La fin du roman est amère à l’image de la fin de Renée dans « L’élégance du hérisson » de Muriel Barbery.

A lire pour ce personnage et cette écriture toute en sensibilité.

 

 

Je vous écris dans le noir

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Jean-Luc Seigle

Flammarion, 2015

 

Jean-Luc Seigle nous parle de Pauline Dubuisson, auteur d’un fait divers dans les années 50 où elle tua son ex petit-ami. Cette histoire fut l’objet du film « La vérité » de Clouzot avec Brigitte Bardot.

Dès le départ, l’ambiance du livre m’a fait penser à « L’Astragale » d’Albertine Sarrazin, une autre femme à un destin si particulier.

L’auteur relate la vie de Pauline Dubuisson à travers trois carnets qu’elle aurait écrit au Maroc, à l’intention de son futur époux, pays où elle tentait de mener une vie normale après ses années de prison.

Pauline Dubuisson a eu une vie terrible, toute une vie liée aux hommes qui ont joué un rôle essentiel dans sa destinée (son père, ses amants, petits amis…). Sa vie a été une accumulation d’horreurs, non supportables pour toute personne normalement constituée. La scène écrite sur ce qu’elle vit à la Libération de la France est insoutenable. Cette femme se raccroche à un objectif qui est de devenir médecin, ce qui montre une femme de tête et peu banale pour son époque. Elle aurait pu être féministe si sa vie n’avait pas été si conditionnée aux hommes.

Une chose m’interroge dans ce livre, c’est que Pauline Dubuisson subit des événements très traumatisants : la mort de ses frères, une maman dépressive, la torture et les viols lors de la Libération et ne semble n’avoir aucune grande séquelle psychologique (quoique, elle tue son petit ami). Elle s’accroche à ses études et ne semble pas être torturée plus que cela. Elle aspire à une vie tout à fait normale et aspire au mariage. Le dilemme qui se joue à chaque fois : est-ce qu’elle doit tout dire de son passé à cet homme ? On aurait envie de lui crier : « Non ! ». Mais il semble nécessaire en tout cas qu’elle fasse cette démarche mais l’homme qui reçoit ces révélations ne peut être que la fuir et c’est insupportable. Elle est condamnée à être seule.

J’ai apprécié l’écriture et la construction de ce livre mais le sujet « Pauline Dubuisson » m’a extrêmement dérangée. Je n’ai pas réussi à avoir de l’empathie pour elle. Tout est faussé dès le départ dans sa ligne de vie par son enfance et quoiqu’elle fasse, elle semble aller droit dans le mur. Cela sera confirmé par la fin tragique de sa vie. C’est un livre fort sur la vie d’une femme hors-norme et qui interroge beaucoup.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016