Libertango

Frédérique Deghelt

Babel, 2019

J’ai tout de suite été happée par l’écriture de Frédérique Deghelt. L’écriture est magnifique et maitrisée dans le style et dans le monde auquel nous invite l’auteure. Le monde de la musique pour un chef d’orchestre en devenir, mais aussi la musique comme lien essentiel au monde, la musique comme lexique et émotions. La musique  qui connecte au monde, aux autres et réunit les peuples. 

Tout au long de la lecture de ce roman, on va découvrir le parcours de Luis Nilta-Bergo, grand chef d’orchestre au parcours atypique. 

On découvrira l’histoire de Luis par Léa, journaliste qui va poser ses caméras chez lui pendant de longs mois, mais aussi par les journaux intimes de Luis, des lettres.

Ce qui crée un rythme intéressant et donne à lire différents points de vue. 

La musique est un vecteur important pour Luis. Souffrant d’un handicap qui le paralyse en partie d’un côté de son corps, la musique le sortira de cet enfer au quotidien et aussi le fera rompre avec son milieu familial d’origine modeste. Le regard des autres changera sur lui par son talent de chef d’orchestre. 

Il vécut par et pour la musique, en la découvrant par l’écoute au départ et ensuite par le travail qui le mènera à étudier la musique, à devenir un grand chef d’orchestre et à créer l’Orchestre du Monde, orchestre allant sur les lieux de catastrophes climatiques ou de guerres pour jouer, jouer l’espoir, la vie. Cet orchestre sera l’objet d’un drame. Oui la musique est vécue comme dangereuse dans certaines parties du monde.

La musique a fait exister Luis et il est devenu un passeur à son tour. 

C’est un roman passionnant qui demande du temps pour savourer chaque mot, chaque phrase. 

Je fus perdue, néanmoins, à un moment, par des passages de considérations purement musicales. J’aurai pu apprécier si j’avais un peu plus de connaissances dans ce domaine. 

Cette façon d’entendre la musique était la mienne, naturelle. J’avais donc quelque chose de fort et d’inatteignable. J’avais une écoute, une oreille, un monde musical intérieur, comme un rêve. Et ce fil me reliait au reste de l’univers des humains, sans que je le sache. 

Un jour, un ami m’a parlé de son rapport à la lecture et je trouvais très beau cette façon de dire combien le fait de lire le sauvait du quotidien. Le sauvait de tout en fait. Ainsi n’était-il plus au fond de son désarroi personnel et quand il sortait de ses lectures, il voulait faire partie de la vie des gens. Il disait que cette activité, qu’on ne partage pas au moment où elle a lieu, rend meilleur dans la vie sociale. Il apprenait à pardonner en passant par des personnages fictifs. Il pouvait mieux appréhender les salauds du monde réel. Il pouvait se blottir dans la lecture ; rien de tel pour survivre. 

Ce qui se réfléchit dans le rythme musical est une sorte de temps interne qui se moque de l’espace temporel de nos vies. C’est ce qui en fait le charme, je crois. 

Il semble que les aspirations intérieures quand elles sont justes, prédisposent la vie à nous offrir des rencontres. 

Un roman à lire !

Je suis fan de l’écriture de Frédérique Deghelt depuis longtemps déjà. Il se passe toujours quelque chose de mystérieux quand je la lis. Une certaine façon d’être en terrain connu mais un terrain qui me remue. La première expérience de lecture de Frédérique Deghelt était la lecture de « La vie d’une autre ». Mes nuits se sont retrouvées envahies de rêves bleus et mystérieux. J’ai encore les images en tête. Un autre roman se jouait dans ma tête. 

Un million de minutes

Wolf Küper

Actes Sud, 2018

 

La petite Nina, 4 ans, ne rentre pas dans les cases des tests du psychologue. Nina est une petite fille imaginative et créative. Ses parents se rendent compte qu’il ne peuvent pas vivre d’une façon « normale » et quotidienne avec cette petite fille qui demande du temps.

« Ah, papa, je voudrais avoir un million de minutes avec toi. Rien que pour les jolies choses, tu vois ? » a dit Nina en écrasant mes joues entre ses mains, ce qui devaient me donner l’air d’un poisson nettoyeur contre la vitre d’un aquarium. 

Cela a donné un déclic psychologique à ce père. Il a du temps pour tout (carrière, soirées, vacances express…) mais pas du temps pour l’essentiel.

Avec sa femme, ils vendent tous leurs biens et s’offrent ce million de minutes (pratiquement deux ans) où ils vont vivre à leur rythme tout en voyageant (Thaïlande, Australie et Nouvelle-Zélande). Vivre au grand air et connaître des expériences enrichissantes pour toute la famille.

Wolf Küper nous fait suivre l’évolution de sa fille, de ses réflexions, de ses découvertes. Il nous parle un peu de lui, parfois de façon hilarante. Il nous parle des différences culturelles, du regard des gens, de son regard à lui (le passage sur l’école Steiner est très drôle), le handicap…

Une aventure de deux ans qui aura permis à chacun de trouver sa place et aussi pour lui de mieux saisir et comprendre sa fille. Cette petit Nina si intelligente, si pertinente mais aussi si lente dans ses gestes.

C’est un livre positif sur chacun et ses différences. J’ai vraiment apprécié ce témoignage de vie.

Le meilleur moyen de ne jamais réaliser ses rêves, c’est d’attendre le jour où on aura tout en même temps. La force, la santé, l’argent, le temps et l’imagination. J’avais réussi la prouesse de remettre mes rêves à plus tard sans même le remarquer.

Je vous laisse méditer sur ces phrases.

 

Le rouge vif de la rhubarbe

 

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Audur Ava Olafsdottir

Zulma, 2016

En achetant ce livre, j’ai découvert juste après que c’était le tout premier roman de cette auteure islandaise enfin traduit en France. J’avais grandement apprécié « Rosa Candida », « L’Embellie » et « L’Exception ». J’avais apprécié cette petite voix que je retrouvai de livres en livres. Bon là, dans le lecture de ce livre, je n’ai perçu que les balbutiements de cette petite voix. J’ai lu ce livre de manière hachée sans vraiment entrer dans le livre.

L’héroïne, Agustina est handicapée de naissance au niveau des jambes et se déplace en rampant ou avec des béquilles. C’est une battante qui a eu en ligne de mire l’ascension d’une montagne. Je n’ai pas réussi à avoir de l’empathie pour ce personnage. Elle est élevée par Nina qui semble être la personne idéale mais la psychologie de ce personnage est peu développée. La maman d’Agustina est une scientifique qui explore le monde et envoie des petits mots à sa fille qu’elle ne voit jamais. J’ai apprécié la lecture de ces petits mots qui faisaient appel à l’imagination pour recréer les lieux où elle se trouvait et sur quoi elle travaillait, un travail en rapport avec la nature. Je retrouvai la petite voix de l’auteure dans ces petits mots.

Finalement, je suis un peu déçue par cette lecture (mais c’est un premier roman) mais j’attends bien sûr les prochains romans d’Audur Ava Olafsdottir avec impatience.