Je dansais

Carole Zalberg

Grasset, 2017

 

J’ai été impressionnée par la force et la beauté des mots de Carole Zalberg. J’ai lu beaucoup de passages à voix haute pour mieux les entendre. La tension dramatique était au maximum dans cette histoire d’enlèvement et de séquestration pendant trois ans de Marie, une jeune fille de treize ans par ce monstre au visage défiguré. On entend les voix de cette jeune fille, de son bourreau, de ses parents mais aussi des voix de femmes qui ont du subir la violence des hommes.

La vérité, c’est que je suis soumise mais pas tout à fait vaincue. Envers et contre tout, j’espère encore un après lui. Alors je tiens. Je m’évertue à tenir.

Le début de cette histoire est un échange de regard dans la rue, le regard de Marie qu’elle ose poser sur celui qui deviendra son bourreau. Lui est défiguré par un accident, son visage n’est plus un visage et personne ne peut le regarder. Mais elle l’a fait. Cela deviendra une obsession chez lui, l’observer, la connaître et l’enlever. L’enlever pour lui.

Dans l’autre monde, celui que tes yeux ont créé en rencontrant mes yeux, tu es mienne comme ici et tu l’es par ce que tu le désires. Tu m’écoutes et m’étreins. Tu me répares. Sous ton regard et entre tes mains je suis indemne. Je suis avant l’accident.

Le ravisseur utilise des mots qui pourraient être beaux et magnifiques s’ils étaient dits par un amoureux transi mais néanmoins possessif. Mais le contraste entre ces mots et ses actes font qu’on ressent un sentiment d’horreur. Il y a en particulier un monologue de la page 47 à 68 où on sent tout le tragique, la tension dramatique. Dans ce monologue, il raconte sa vie, sa rencontre avec elle, ses espoirs. Il s’adresse à elle. Elle est devenue objet, une poupée, un objet sexuel dans ses mains. Marie, malgré, développe un instinct de survie.

Les premières fois, je chercherai à empêcher l’assaut. Mais j’ai appris. Mieux vaut l’immobilité. Quand il se consume, mieux vaut la pierre. Attendre au fond de soi. Ensuite, il me lavera, soignera les traces de sa brutalité, mendiera un pardon que je n’accorderai jamais. Et c’est lui, qu’il punira. Je le sais : d’abord, à coup sûr, il s’endort, mais plus tard, beaucoup plus tard, je l’entends hurler.

Au fur et à mesure de la lecture, on entend d’autres voix de femmes. Les femmes violées par des soldats en temps de guerre, les lycéennes enlevées par des fanatiques religieux, les meurtres de femmes à Ciudad Juàrez… pour finir par un « On ». Ce « On » représente pour moi toutes ces femmes actuellement ou à travers les siècles qui subissent ou ont subi le joug, l’oppression, la violence des hommes.

C’est une lecture extrême qui nous fait passer par toutes sortes de sentiments et aussi une lecture très déstabilisante. C’est un livre très fort qui laissera des traces dans mon esprit.

 

Oh…

Oh...

Philippe Djian

Folio, 2014

Eu envie de lire ce livre quand il est sortie en 2012. Une femme ayant la cinquantaine, qui a subi un viol…

J’ai eu du mal à entrer dans le livre car dans le texte est mélangé le présent et le passé. On passe de l’un à l’autre sans transition. Rien n’est vraiment dit et c’est assez déstabilisant.

La narratrice s’appelle Michèle, très wonderwoman dans son métier. Elle est dotée d’un grand fils, d’un ex-mari très présent. Elle a une liaison avec le mari de sa meilleure amie. Tout d’une S….. Tout d’une héroïne avec qui j’aurai peu d’empathie.

On devine assez vite qu’elle a eu un passé horrible avec un père qui a fait de la prison pour des crimes horribles et elle a eu à subir les conséquences de cela durant de longues années.

« Je ne devrais pas avoir peur de ça et pourtant j’ai peur, car cette situation de faiblesse, d’instabilité, de précarité que mon inquiétude suggère, me renvoie aux années sombres que nous avons traversées ma mère et moi – quand nous ne savions pas de quoi demain serait fait, si nous aurions un toit et un lit pour nous coucher ou encre de quoi manger une fois mon père condamné et jeté en prison pour ses crimes. Je ne me sens pas capable de revivre pareille épreuve. Je n’ai vraiment pas envie que les temps mauvais reviennent. »

Cette femme survit en se forgeant une carapace en travaillant comme une forcenée, sa vie personnelle est plutôt vide.

« Dans la vie, travailler est encore ce qu’il y a de plus simple et je m’accommode tout à fait bien de cette fatigue que provoquent ces interminables réunions, ces interminables appels, ces interminables relectures et autres, tant qu’il me reste assez d’énergie à la fin de la journée pour rentrer chez moi, me confectionner un sandwich, m’enfermer dans ma chambre, me déshabiller, me faire couler un bain et fumer un peu d’herbe pour décompresser en écoutant de la musique, en jouant avec mon savon glycériné. Seule avec mon vieux chat. »

Michèle est perdu dans sa solitude. Elle a perdu le sens de la vie et aussi sa dignité. Elle est forte pour gérer son travail et à côté de cela sa vie personnelle est un désastre. Très seule, peu épaulée, elle reste là pour les autres, les aider car on compte sur elle. Mais qui l’aide ? Qui se soucie d’elle ? C’est là le point sensible. Elle vit seule avec son chat. Elle arrive à en être malmenée sexuellement pour avoir un sentiment d’existence. Elle entre dans un jeu sexuel totalement pervers avec cet inconnu qui l’a violée. Cela se finit mal, très mal. Elle pourra compter sur son amie qui prendra soin d’elle.

C’est un livre qui m’a intéressée de bout en bout pour essayer de reconstituer les morceaux de l’histoire de la vie de cette femme, mais l’histoire est totalement désespérante. On touche la noirceur de l’âme humaine mais aussi le poids du passé qu’il est parfois difficile de se débarrasser et qu’on traîne de longues années.