Petit Piment

Petit piment

Alain Mabanckou

Seuil, 2015

 

Ce roman est un roman d’atmosphère : atmosphère d’un orphelinat de Pointe-Noire, atmosphère d’un bordel…

La vie à l’orphelinat est décrite avec la violence entre les enfants, la dureté de la vie sans affection et avec l’envie de partir et de s’évader.

On se trouve en Afrique et on trouve du mystère, de la sorcellerie. Mais aussi, on sent que cet orphelin ne pourra pas faire grand chose dans ce pays géré par la corruption et où les pauvres ne peuvent rester que pauvres. L’auteur nous livre un portrait de la société congolaise avec ces conflits ethniques, la pauvreté, son histoire avec la Révolution socialiste, les magies, les croyances.

Petit Piment nous donne à lire ses confessions avec les personnages qui ont jalonné sa vie : l’infirmière de l’orphelinat, le voisin jardinier qui lit des livres de jardinage très ancien du 18e siècle, la maquerelle Fiat 500… Des personnages avec des noms haut en couleur. Roman dur qui nous plonge dans une Afrique que ne fait pas du tout rêver, un roman réaliste.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016

Gertrude Bell – Archéologue, Aventurière, Agent secret

Gertrude bell

Christel Mouchard

Tallandier, 2015

Il est toujours intéressant de découvrir la vie d’une femme qui a eu une vie si particulière et hors du commun. Gertrude Bell est peu commune pour son époque, celle de la fin du 19e et début du 20e siècle. Déjà, elle ne se maria pas. Et elle parcourut le monde ensuite. Les muletiers et les guides furent ses compagnons de voyage pendant de longues années dans le Moyen-Orient.

Elle pratiqua aussi l’alpinisme, jusqu’à faire dix ascensions durant un été. Elle fit tout dans l’extrême à l’image des nombreuses malles qui la suivirent partout emmenant baignoire portative, service de porcelaine, couverts d’argent, nappes blanches…

Voilà Gertrude dans un hôtel inconnu au Caire, à Shanghai, à Vancouver… Elle ouvre une malle, défroisse la robe du dîner, pose un châle sur une chaise, range ses livres sur une étagère comme s’ils y avaient été depuis toujours, imprègne l’air de son parfum favori, glisse une bouillotte sous les draps… Elle est chez elle. Elle ne sait pas ce que l’inconfort, car elle crée le confort.

Elle fit des tours du monde, voyagea en Perse, en Turquie, Syrie, Arabie, traversa le désert syrien. Des voyages parfois très risqués avec les dissonances entre les différents peuples. Elle est une grande connaisseuse du terrain et a le mode d’emploi des usages grâce à son guide qui l’accompagna dans tous ses voyages.

Ce livre fut très instructif sur le parcours de vie de cette femme qui nous fait voir des mondes et des cultures très particuliers.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016

 

Une vie entière

unevieentiere

Robert Seethaler

Sabine Wespieser Editeur

Ce roman retrace la vie d’Andreas Egger, un homme simple vivant dans les montagnes autrichiennes. Cet homme taiseux m’a tout de suite fait penser au « Joseph » de Marie-Hélène Lafon. Une vie de dur labeur en lien avec la nature. Sa vie ne fut néanmoins pas simple. Orphelin maltraité par son oncle qui le maltraita au point de le rendre boiteux. Ce handicap fut une force, Andreas se démena toujours physiquement, une vraie force de la nature.

Comme tous les êtres humains, il avait lui aussi, nourri en son for intérieur, pendant sa vie, des idées et des rêves. Il en avait assouvi certains, d’autres lui avaient été offerts. Beaucoup de choses étaient restées inaccessibles ou lui avaient été arrachées à peine obtenues. Mais il était toujours là.

Ce livre a peu de dialogues à l’image d’Andreas qui parle peu. C’est un personnage solide, très travailleur et qui sait saisir les opportunités de travail tel que cette place dans cette grande entreprise qui s’installa dans la région pour creuser la montagne, couper les arbres afin d’ installer des téléphériques. On y découvre ainsi la transformation de la montagne et le début des sports d’hiver. Il sut trouver une épouse aimante qui mourut dramatiquement. Il connut la guerre en allant sur le front russe et survécu à la condition de prisonnier militaire. Il surfa sur la vague du tourisme en montagne en organisant des randonnées en montagne lui permettant de rester près de la nature qu’il aime tant. Il vécut simplement dans un confort sommaire mais il aimait les levers et les couchers de soleil dans la montagne, les premiers rayons de soleil après la fonte des neiges.

J’ai apprécié la lecture de ce roman qui nous montre la transformation de la montagne en devenant un lieu de loisirs et des personnes qui ont du s’adapter pour rester auprès de leur si chère montagne. Andreas est un personnage attachant et l’auteur a su bien nous raconter sa vie.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016

Les gens dans l’enveloppe

les gens dans l'enveloppe

Isabelle Monnin

J.C. Lattès, 2015

J’ai vraiment apprécié ce livre. On est tout de suite intrigué par ces photos que l’auteure, Isabelle Monin a acheté sur internet. On se demande qui sont ces gens.

Isabelle Monin en a fait un livre avec une structure très particulière : une fiction, où elle imagine la vie de ces personnes et une enquête afin de savoir que sont devenues ces personnes. De plus, un CD avec les chansons et musiques d’Alex Beaupain vient compléter cet ouvrage original. J’ai été très émue en écoutant certains morceaux quand on prend connaissance de certains interprètes.

On s’attache vraiment à ces personnages fictifs et réels et de les entendre sur des chansons, cela fait frissonner.

Sur plusieurs photos, on aperçoit une petite fille et on la devine seule avec ses grands-parents. L’auteure l’appelle Laurence et raconte sa vie par bribes, ainsi que celle de sa mère qui l’aurait laissée seule. Le texte se fait plus poétique au fur et à mesure de la lecture.

J’ai apprécié l’enquête qui est un vrai journal d’écriture d’un écrivain.

On découvre des trajectoires de vies réelles intéressantes.

C’est un livre original à lire et à faire partager.

 

Où vont les secrets quand il n’y a plus personne à qui les confier ?

J’ai six ans, je suis dans la cour de récréation. Je suis présente physiquement et absente pourtant, au regard et à la préoccupation des autres. Existante pour personne, c’est une nature, une cicatrice invisible mais une force aussi -d’espion. Assise contre un mur, je les regarde jouer. Je glane, et ils n’en savent rien, de quoi me constituer un petit catalogue de caractères humains. Plus tard, j’ai vingt ans, j’ai trente ans, j’ai quarante ans et toujours, je ne fais que cela : observer les gens et me raconter leurs vies, imaginer ce qu’ils sont, ce qu’ils vivent, les aimer ainsi secrètement – et m’imaginer aimée. L’enveloppe où m’attendent les Gens est une cour de récréation.

Quand on naît ici, on grandit ici, on meurt ici.

 

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016

Oliver ou la fabrique du manipulateur

Oliver

Liz Nugent

Denoël, 2015

 

« Oliver ou la fabrique du manipulateur » est le premier roman de Liz Nugent et c’est plutôt réussi.
Un fait divers est relaté ici : Oliver agresse violemment sa femme Alice un soir et elle sombre dans le coma. Le couple semblait pourtant si parfait.
J’aime les romans chorals où chacun éclaire l’histoire de son vécu et de ses pensées personnelles. Ici, chacun prend la parole et raconte sa relation avec Oliver ou la victime et cela à différentes périodes. On reconstitue ainsi l’histoire et le parcours
d’ Oliver.
On ne ressent pas d’empathie pour ce personnage d’ Oliver, sauf peut-être lors de son enfance si dure qu’il a vécue. C’est terrible. Oliver, dès 6 ans, fut placé dans un pensionnat alors que la maison de son père était à moins d’un kilomètre de là et était visible d’une fenêtre du pensionnat. Il ne connut pas sa mère et ne fut pas inclus dans la nouvelle vie de son père avec femme et enfant. Son demi-frère allait à l’école rattachée au pensionnat mais il n’a jamais eu connaissance de son lien de parenté avec Oliver.
Il a fait des choix qui l’ont emmené à cette issue fatale alors que la vie lui a mis sur son chemin des personnes bonnes, intéressantes et attachantes : Laura, Alice, Barney…
Ces protagonistes ont passé dans leur jeunesse un été dans un vignoble bordelais et Liz Nugent a su très bien décrire les lieux, l’ambiance si particulière des vendanges.
C’est un livre très agréable à lire avec des personnages très attachants et intéressants.
Je reviens sur le titre « Oliver ou la fabrique d’un manipulateur ». Est-ce qu’on peut parler d’un manipulateur. J’ai plutôt l’impression que ses choix dans la vie ont été dictés par un instinct de survie qui l’ont placé dans un état de tension permanente.

Ma femme avait fini par faire ressortir le pire chez moi. Ce qui n’était pas vraiment prévisible. Je l’avais toujours bien aimée, à ma façon. Pour commencer, c’était une super cuisinière. Il faut dire que je lui avais fait suivre des cours. Et puis elle était très entreprenante au lit, ce qui était sympa. C’est infiniment triste de penser à des choses pareilles maintenant, vu son état.

 

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016

Villa des femmes

Villa des femmes

Charif Majdalani

Seuil, 2015

 

C’est un roman merveilleux dont l’histoire se passe au Liban dans les années 60
dans une famille chrétienne bien établie. Cette histoire se lit du point de vue du
chauffeur et gardien de la famille Hayek. De son perron, il nous raconte les
femmes de la famille, les hommes, le père, l’usine, le pouvoir…
On traverse les tumultes de l’histoire de ce pays.
Charif Majdalani écrit merveilleusement bien et aussi incroyable que cela puisse
paraître, on sent le soleil du Liban dans ses mots alors qu’il nous raconte les
tourments de cette famille dont la maison est au bord de la ligne de front et dont
les hommes de la famille ne font plus partie. Seules, les femmes de la famille
résistent en ne quittant pas leur maison. Elles ont du caractère, elles sont la
colonne vertébrale de la famille, car les hommes y sont montrés joueurs,
aventureux et assumant peu, sauf le personnage emblématique du père Hayek qui
a pu mener sa famille à la richesse et à sa renommée.
C’est un livre plaisant à lire qui nous donne envie de mieux connaître ce pays : le
Liban.
L’un des fils, Haredt, avec ses voyages m’a fait pensé à Nicolas Bouvier et son
« Usage du monde ». Les voyages et les rencontres l’ont formé.
J’aime le pied de nez où en se faisant insulter de « femme », il a pris plutôt cela
comme un compliment, car les femmes de sa famille sont fortes, combattantes et
tiennent tête aux hommes.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016

Popcorn Melody

popcorn melody

Emilie de Turckheim

Editions Héloïse d’Ormesson, 2015

Ce roman d’une auteure française se passe dans un trou perdu du Midwest, un désert de pierres noires, le Pierrier.

Tom ouvre un petit supermarché à cet endroit suite au décès de son père. L’auteure via ce personnage nous livre une réflexion sur notre société de consommation.

Ce personnage est tout un poème à lui seul, d’ailleurs il en écrit des petits sur les pages d’un annuaire, s’inspirant des clients qui entrent dans son commerce. Certains sont des personnages hauts en couleur. Cela rend ce roman très sympathique. Plus on avance dans la lecture et plus ce roman devient de plus en plus loufoque.

La fin est surprenante et on comprend toute l’originalité des situations.

Un roman intéressant.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016

 

Mala Vida

mala vida

Marc Fernandez

Préludes, 2015

« Mala Vida » est un polar mêlant Histoire, politique, milieu du journalisme et système judiciaire.

Ce roman commence par un meurtre, suivi de quatre autres : un élu, un notaire, un médecin, un banquier, une bonne sœur. Cela se passe dans l’Espagne d’aujourd’hui et l’intrigue se noue sur un fait historique réel : les bébés volés aux opposants de Franco et donnés à des familles franquistes et cela pendant de très nombreuses années.

L’enquête est menée par un journaliste intègre, Diego, il tient une chronique à la radio. Il y a l’intervention d’une détective privée et d’une avocate dont le rôle sera très vite intriguant.

La lecture fut passionnante, car l’histoire se déroulait dans un pays européen proche et je n’ai jamais lu de policier qui se passe en Espagne. Enfin et surtout cela se mêle à l’histoire sombre de ce pays.

La construction du livre est intéressante, car on connaît très vite le responsable de ces meurtres, mais l’auteur nous fait entrer dans sa vie et on suit de très près toute son aventure.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016

Mille et un morceaux

mille et un morceaux

Jean-Michel Ribes

L’Iconoclaste, 2015

 

Je dois avouer tout de suite que je ne connaissais pas Jean-Michel Ribes avant de lire ce livre. Oui, je n’ai jamais entendu parler de « Merci  Bernard » ou de « Palace », ayant vécu une très très longue période sans télévision.

Je ne connaissais pas non plus ses pièces de théâtre. Le théâtre du Rond Point situé sur les Champs-Élysées m’a toujours semblé un endroit à part, certainement inaccessible.

J’ai aimé ce livre constitué de bribes, de morceaux, de moments, de souvenirs et de réflexions. J’aime ce genre de livres où l’on peut puiser des découvertes, du partage des  expériences et des anecdotes.

Je suis entrée doucement dans ce livre où s’offrait à moi tout l’univers de J.M. Ribes : le théâtre, la mise en scène, ses amis : Roland Topor, Gérard Garouste, Philippe Khorsand, Jean-Claude Grumberg… ses rencontres et les événements marquants de sa vie.

J’ai aimé assister au parcours de J.M Ribes dans le théâtre, l’écriture et son audace malgré tout pour imposer ses textes et ses idées.

J’ai apprécié ses positions sur Delanoë, ses piques sur Sarkozy, son combat pour le théâtre vivant.

Ces morceaux sont entrecoupés de « Miettes », petites pensées courtes liées à un mot, des petites bulles d’air récréatives et concises.

L’univers intime et familial est abordé avec pudeur : l’internat (souvenir horrible comme tant d’autres), le divorce de ses parents, la vieillesse de son père et les mots sur sa fille, qui est certainement un être magnifique – Entre nous, j’ai adoré sa réplique à DSK, j’en ai ri, un peu horrifiée par ce type, mais cela montre une force de caractère chez cette fille et j’adore.

Ce livre est une rencontre qui va m’ouvrir sur un monde peu connu pour moi : le théâtre. Cela m’a donné envie d’y aller et de découvrir entre autres le théâtre du Rond Point.

Jouissance

Mon autonomie d’écriture est réduite. J’écris le temps d’une jouissance. Mes pièces sont une suite d’éjaculations cousues ensemble.

Manque

Combien de rencontres n’ont-elles pas eu lieu, hasard et destin frôlés, routes ignorées, horizons perdus, amours manqués à un carrefour près, blessures ou morts évitées pour avoir relacé un soulier. Tant de choses ne me sont pas arrivées, ai-je encore le temps d’en  manquer d’autres ?

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016

4 décembre

4 décembre

Nathalie Rykiel

Plon, 2015

Le 4 décembre, veille de ses 60 ans, Nathalie Rykiel plonge dans sa vie et ses
souvenirs. L’écriture est légère, parfois désinvolte et j’aime cela dans ce livre.
Elle aborde des sujets inévitables tels que la vieillesse et la maladie de Parkinson
de sa mère, sa propre vieillesse et la dépression.
Elle raconte sa mère, Sonia Rykiel, son ascension avec les fameux pulls et la vie
à la boutique rue de Grenelle. C’est un bel hommage rendu à cette femme
exceptionnelle.
C’est un livre très touchant, sensible, vibrant. Réussir à vivre malgré ces choses
profondes qui nous touchent et vaincre ses peurs, celles de la mort, de la solitude
et puis retourner vers la vie et ses enfants. Il le faut bien. C’est ce que nous
apprend ce livre très personnel.

 

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2016