Vers la beauté

David Foenkinos

Gallimard, 2018

Commencer à lire un roman de David Foenkinos, c’est comme ouvrir un emballage d’un bonbon acidulé et savoir qu’on va y prendre du plaisir. La prose de David Foenkinos a cet effet de m’apporter beaucoup de bien être. Il a le don de nous embarquer dans ses histoires et j’ai beaucoup apprécié celle-ci qui nous embarque au Musée d’Orsay devant le tableau de « Jeanne Hébuterne assise » de Modigliani et dans l’histoire d’Antoine, professeur à l’Ecole des Beaux Arts de Lyon qui décide de quitter son travail du jour au lendemain et de devenir gardien au Musée d’Orsay.

Ce roman, je l’ai savouré sur plusieurs jours. Pourtant, tout le roman tourne autour d’un drame arrivé à une jeune fille au talent artistique prometteur. Je suis passée par plein de sentiments : la colère, la tristesse mais aussi le sourire, le rire car le personnage principal nous fait rire par sa maladresse. Les personnages masculins de cet auteur sont toujours un peu naïfs.

Le monde de l’Art présent par le Musée d’Orsay, l’Ecole des Beaux Arts, ce tableau de Jeanne Hébuterne m’a vivement intéressé.

Voilà, j’ai lu passionnément ce roman !

Dès le week-end suivant, elle acheta des pinceaux et des tubes de peinture. Elle voulait commencer de manière artisanale ; à cet instant, le désir était plus fort que l’inspiration. Elle ne savait pas quoi peindre. Peu importait. Le simple fait d’avoir un chevalet face à elle, un tablier et une palette de couleurs la remplissait d’une satisfaction totale ; le préliminaire à la création est déjà une extase en soi. Elle pensa :

« Ce que je fais, c’est ce que j’ai toujours voulu faire. » Elle venait de déchiffrer une intuition qui flottait dans son corps. Celle de se vivre comme une artiste. Tout ce qu’elle avait vécu jusqu’à maintenant n’avait été qu’une attente inconsciente ce qui se passait là.

Trois jours avec Norman Jail

Eric Fottorino

Gallimard, 2016

Une jeune étudiante part à la rencontre d’un vieil écrivain, écrivain d’un seul roman mais qui n’a eu de cesse d’écrire chaque jour.

Ce livre est un dialogue entre les deux personnages. On découvre la vie de l’écrivain, sa maison, sa façon d’écrire… Dans le même temps, cet homme raconte beaucoup d’histoires. On ne sait pas ce qui est vrai ou pas.

On se retrouve à lire un de ses manuscrits avec cette jeune étudiante. Un manuscrit avec une obsession : Anna et ses variantes de chapitre 1.

Tout s’embrouille. On ne sait plus rien.

Je me suis ennuyée à la lecture de ce livre qui peut, peut-être, sembler jubilatoire à d’autres.

Je n’ai pas aimé ce ton.

Mais je vais persister à lire Eric Fottorino pour me faire un avis plus complet sur son écriture et ses romans.

 

 

Livre enfin sorti de ma PAL.

Les amants polyglottes

Lina Wolff

Gallimard « Du Monde Entier », 2018

 

Trois parties

Trois mondes différents

Un lien : Max Lamas, un écrivain, enfin son manuscrit.

Les amants polyglottes est le deuxième roman et le premier traduit en France de Lina Wolff, auteure suédoise.

J’aime beaucoup m’évader avec les auteurs nordiques et ici, on voyage  avec Ellinor en Scanie, petit comté suédois proche du Danemark, à Copenhague, à Stockholm. On voyage dans les turpitudes littéraires de Max Lamas et de ses journées d’errance et d’écriture. Ma partie préférée est celle concernant Lucrezia, car dès les premiers mots, toute l’Italie pénètre les pages du roman avec le bruit, les odeurs, une façon d’être…

La construction du livre est particulière. Les trois parties pourraient se lire indépendamment, comme trois nouvelles, sauf qu’il nous manque une chute… Le lien aussi entre toutes les parties c’est la recherche de l’amour de tous nos protagonistes ou leur interrogations à ce sujet. Les deux premiers protagonistes sont assez brut de décoffrage dans ce domaine, Lucrezia, elle, est plus fine et plus humaine à ce sujet. Il est fait référence à Houellebecq à plusieurs reprises dans le livre. Ellinor lit tous les livres de Houellebecq. On y trouve aussi des citations de ce dernier. 

Livre intéressant mais il manque un petit quelque chose pour qu’il prenne plus de consistance. Dommage !

Le détour

Gerbrand Bakker

Gallimard, 2013

Je me souviens avoir choisi ce livre pour l’histoire qui parle de maison isolée et d’Emily Dickinson.

En effet, le personnage principal est une professeur de littérature qui doit écrire sa thèse sur Emily Dickinson. Elle fuit les Pays Bas et elle emmène avec elle son exemplaire d’Emily Dickinson et aussi quelques meubles pour emménager dans cette maison du Pays de Galles.

Le début est intéressant. On s’interroge sur cette femme, les raisons de sa fuite, son installation dans cette maison délabrée et isolée.

Par petites touches, on en apprend plus par le point de vue du mari et aussi lorsqu’elle plonge dans ses souvenirs.

Au fur et à mesure de la lecture, le rythme de l’histoire ralentit et on entre dans des descriptions très détaillées de la vie quotidienne, de la maison, du jardin, de l’environnement. Elle qui voulait aussi être seule se retrouve à partager son quotidien avec un jeune homme très mystérieux.

On comprend les références à Emily Dickinson, son enfermement dans sa maison, la présence du jardin importante… et surtout l’analogie entre les deux femmes bien que notre personnage principal n’a pas écrit de poèmes mais tentait d’écrire sur Emily Dickinson. Son prénom reste un mystère aussi. Emily ?

Etait-ce là que Dickinson avait fait pendant la plus grande partie de sa vie d’adulte ? Avait-elle essayé de retenir le temps, de le rendre supportable et peut-être aussi moins solitaire, en le capturant dans des centaines de poèmes ? Pas seulement le TEMPS, mais aussi l’AMOUR, la VIE et la NATURE.

Comment diable cette Dickinson avait-elle pu se replier davantage, écrire des poèmes comme s’il y allait de sa vie, puis mourir ? Vie de l’esprit, vérité humaine – ou authenticité ? – exprimée à travers l’imagination et non par des actes.

J’ai apprécié le début du livre quand il recelait plein de mystères et de découvertes. Ensuite, je me suis un peu ennuyée dans le quotidien de l’héroïne bien que la fin a relancé tout un questionnement.

 

J’ai sorti ce livre de ma PAL où il dormait depuis 2014.

 

Monsieur Origami

Jean-Marc Ceci

Gallimard , 2016

Comment parler de ce roman que vous devez absolument lire alors que la canicule me fait perdre tous mes moyens de réflexion ?

Je vais essayer. L’écriture de Jean-Marc Ceci est dépouillée, précise mais essentielle. « Monsieur Origami », dès les premiers mots, nous fait entrer dans une autre dimension, celle d’un état d’esprit importé du Japon. Chaque chapitre nous donne à contempler un tableau. On n’entre pas dans la psychologie des personnages. On voit les personnages. On découvre le washi, ce papier que fabrique Monsieur Kurogiku avec lequel il pratique l’origami. L’origami pourrait être une banale activité de pliage mais elle devient méditation avec l’activité de dépliage et d’observation. Ce Monsieur Kurogiku, appelé aussi Monsieur Origami vit dans une maison qui a été abandonnée par son propriétaire, en Toscane. Il a quitté le Japon pour une femme entrevue, une illusion. L’arrivée d’un homme plus jeune, Casparo, travaillant à un projet de montre complexe, permet d’en savoir un peu plus sur ce monsieur. J’ai beaucoup aimé ce livre qui procure un sentiment de bien-être rien qu’à le lire. Je le relirai pour mieux savourer encore chaque mot et essayer de saisir ce mystère d’écriture. Ce livre peut devenir un livre de chevet qu’on feuillette et dont on relit certains passages.

 

Magique aujourd’hui

Isabelle Jarry

Gallimard, 2015

Présentation de l’éditeur

Dans un futur proche, Tim est un jeune chercheur ; il entretient une relation fusionnelle avec Today, son assistant androïde. Lorsque Tim est envoyé une semaine en cure de déconnexion dans une campagne isolée, sans réseau ni communications, le robot, livré à lui-même, va s’essayer à l’autonomie. Tim fait l’expérience de la solitude et du sevrage. Plongé en pleine nature, il découvre le lien puissant qui l’unit à la terre, au ciel, aux animaux. Le jeune homme se dévoile au fil des situations tandis qu’on assiste, ému et réjoui, à la naissance d’une conscience et d’une personnalité originales : celles du robot. Dans un texte où affleurent sans cesse l’humour et la poésie, Isabelle Jarry nous propose quelques visions de ce que pourrait être le monde de demain, ou plutôt de cet «aujourd’hui magique», que nous voudrions enchanté par la technologie.

Mon avis

Ce livre est un cadeau offert par une personne proche. Cette personne ne savait pas que je connaissais cette auteure pour avoir lu et apprécié deux autres de ses romans : Millefeuille de onze ans et J’ai nom sans bruit. Déjà, ce que j’en lisais de la présentation de l’éditeur me plaisait : les liens avec les nouvelles technologies et leurs dérives, l’expérience de la solitude…

Donc, j’ai commencé la lecture avec beaucoup de plaisir. Il y avait plusieurs choses intéressantes dans l’histoire de Tim et de son robot Today. Today est un androïde de la taille d’un enfant de 12 ans. C’est un robot à l’attachement profond qui évolue en fonction des interactions avec son maître. Cette histoire se passe dans un futur proche (2050).

Tim aimait Today. Il voulait le garder pour lui, et rien qu’à lui. En faire une sorte de colocataire idéal. Et il y serait sans doute parvenu sans le contrôle de la médecine cybernétique qui venait de l’extraire de son cocon. « Non, Tim, on ne pactise pas ainsi avec les machines, elles ne sont pas des camarades de jeu ordinaires. Oublie un peu ton robot domestique et reviens parmi tes semblables. » Le gouvernement ne permettait pas ce genre de dérives, trop conscient des risques qu’elles auraient pu faire courir à la société tout entière. Les machines « intelligentes » étaient devenues en moins de dix ans le premier facteur d’addiction et quasiment personne n’y échappait.

On suit le séjour de Tim en cure de désintoxication dans une zone blanche et on suit aussi le petit androïde Today qui se retrouve livré à lui-même. Tim n’ayant pas pu le prévenir.

On découvre au fur et à mesure de la lecture que Tim faisait des recherches sur les situations, les conditions et les réactions extrêmes et en particulier s’intéressait à un japonais, M. Izumi qui a vécu seul dans la zone autour de Fukushima depuis la catastrophe nucléaire de 2011, donc plus de quarante ans.

Il met en parallèle sa solitude à celle de M. Izumi. Tim retrouve sa dimension humaine en étant seul, en retrouvant la conscience de son corps par les travaux physiques, par le temps passé seul où ses pensées peuvent de nouveau vagabonder.

Il se dit seul alors qu’il est accueilli chez une dame un peu abrupte.

J’ai beaucoup aimé un passage où Tim découvre dans la maison de son hôtesse une vraie bibliothèque assez conséquente. J’aime l’émerveillement qu’il ressent face à celle-ci et compare par rapport à l’accès des données sur internet.

Tim parcourut encore les rayonnages, explorant au hasard, tirant un livre par-ci, un dossier par-là, laissant aller ses yeux de bas en haut et de long en large,ne sachant où donner de la tête, curieux de tout, pris soudain d’un émerveillement devant cette accumulation, cette forêt de livres et de papiers. En bas, la musique, après un long lamento mélodieux, s’était arrêtée. Ce qui frappait dans la quantité de documents, c’était sa présence physique, plus encore que son importance. Tim, virtuellement, avait accès à tous les documents du monde, mais il ne les voyait pas. Il devait les chercher un par un sur internet. Et il devait trier parmi la somme d’entrées qui lui était proposée. Jamais pourtant il n’avait la possibilité de « voir », de « toucher », de chercher au hasard, de se laisser surprendre. Si ! Cela arrivait aussi sur le net, il avait parfois d’heureuses surprises, des choses totalement inattendues qui apparaissaient sur des sites qu’il n’aurait jamais songé à consulter si le moteur de recherche ne les lui avait mis sous le nez. Mais cela surgissait par hasard. Tim, face à cette bibliothèque, éprouvait une sensation de possession tout à fait inhabituelle. Il ne pouvait englober du regard tous les livres et documents présents, mais il aurait pu, s’il l’avait voulu (et s’il en avait eu le temps), les sortir un à un de leurs rayonnages et les ouvrir, les parcourir ou les lire, regarder les illustrations, s’asseoir sur le divan avec un de ces milliers de dossiers et en prendre connaissance. Dans le même temps il prenait conscience de la durée qui seule avait permis de rassembler autant de choses. Ce qu’avait fait le propriétaire de cette collection d’archives (car nul doute qu’il avait lu tout ce qui se trouvait ici, et parfois même écrit ou produit lui-même certains rapports, mémoires, articles), Tim ne pouvait le refaire. C’était l’œuvre d’un vie entière.

J’aime aussi quand il parle d’un ami qu’il qualifie d’ « explorateur urbain ».

J’aime aussi l’attachement à son robot avec qui il échangeait en permanence.

Today était cet autre qui permettait à Tim de ne pas rester enclos dans son for intérieur, qui ne laissait pas la richesse de sa vie intime se déployer dans l’espace de sa seule pensée.

Je comprends cela. On a pas un être près de soi avec qui partager ses pensées en permanence. L’échange avec un autre est enrichissant. Il y a des couples d’intellectuels qui ont vécu cela au quotidien comme Sartre et Beauvoir. La lecture des livres permet cela aussi. Entrer dans la pensée d’un autre via ses mots permet d’enrichir sa pensée au quotidien.

La fin du roman peut laisser perplexe au premier abord. Mais on sent que les androïdes si intelligents et attachants vont prendre une place de plus en plus importante dans cette société du futur et l’homme peut retrouver dans la nature des sensations qu’on pouvait croire à jamais perdues. L’intelligence humaine existera toujours mais pourra faire partie des territoires à reconquérir.

Ce livre m’a fait penser tout de suite au film « Her » de Spike Jonze où Joaquim Phénix tombe amoureux de Samantha, un Operating System. Bon OK, la voix de l’OS en question avait la voix suave de Scarlett Johansson.

Ce livre était dans ma PAL depuis plus d’un an.

Sur les chemins noirs

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Sylvain Tesson

Gallimard, 2016

Sylvain Tesson se lance dans un périple à pied sur les chemins noirs à travers la France pour se réapproprier et fortifier son corps qui a été brisé suite à une grave chute. Il part du Mercantour pour se rendre dans le Cotentin. Un peu plus de deux mois de marche. Une carte au 25000e pour se guider dans ces chemins isolés et des amis qui le retrouvent à certains points.

Passages secrets, les chemins noirs dessinaient le souvenir de la France piétonne, le réseau d’un pays anciennement paysan.

Depuis le départ, je me débattais avec les cartes IGN pour tracer une sinusoïde de l’incognito. Non pas que je fusse en cavale mais je pressentais qu’un air de liberté soufflait en ces allées. La première épreuve était d’élaborer un tel parcours dans une campagne en miettes. L’exercice d’arpenteur était plus difficile que je ne me l’étais imaginé : il fallait longuement détailler ces planches pour tracer les itinéraires. Cela finissait par me fatiguer les yeux.

Mes nuits sous la jupe des arbres étaient des nuits du soleil.

Sylvain Tesson nous parle de géographie (urbanisation, aménagement du territoire, ZAC, ZUP) mais aussi de ses rencontres sur ces chemins, des paysages, de son corps qui souffre. Il a aussi de très bons amis, Thomas Goisque, Cédric Gras, Arnaud Humann qui le rejoignent à certains moments sur son parcours. Des amis avec qui il a été aux quatre coins du monde et qui se retrouvent sur des chemins dans des forêts ou campagnes en France. Cela m’a fait sourire mais c’est bien là une vraie marque d’amitié.

J’apprécie l’écriture de Sylvain Tesson (j’avais adoré « Dans les forêts de Sibérie ») : un style précis, des mots bien choisis, de la poésie parfois, une écriture érudite… Des images naissent de l’écriture pour parvenir jusqu’à mon esprit. Vraiment une très belle écriture. Je ne connais pas l’auteur personnellement mais je trouve que cela contraste avec la personnalité qu’il semble avoir, plutôt brut de décoffrage.

Je suis ravie de cette lecture qui bien sûr me donne envie de pratiquer la marche et de m’engager dans un périple qui serait pour moi l’occasion de se délester de poids et de retrouver l’essentiel, un certain ascétisme du corps et de l’esprit.