Erri de Luca
Folio, 2018
Ce recueil est constitué de 37 textes autobiographiques. L’auteur y parle de la famille, de Naples, du travail ouvrier, de la faim, de l’école, Mai 68, des livres qui se mélangent à la vie, du rôle du lecteur…
L’écriture est à voir, à entendre, à détailler. Comment la juxtaposition des mots fait qu’on retrouve ce style, cette voix ?
Le narrateur est présent, plus que présent, on fait corps avec lui.
Je suis totalement fan de l’écriture d’Erri de Luca.
Je connais l’isolement du corps sorti de son travail sur le chantier. C’est un épaississement de sa propre limite. Il arrive jusqu’à l’étourdissement de sa propre limite. Il arrive jusqu’à l’étourdissement des terminaisons nerveuses, après une journée de marteau-piqueur. Une bonne partie de ma vie, j’ai utilisé mon dos comme un plateau de chargement. J’essaie sans y parvenir de me souvenir si l’enfant qui regardait derrière la vitre les affrontements entre hommes et matière avait entrevu le sien, au milieu des corps dans la poussière.
Beaucoup de mes camarades plongeaient des aiguilles dans leurs veines, parce que le vin tue trop lentement et qu’ils étaient pressés. Moi, je ne savais pas faire comme eux, mon corps était trop fatigué le soir pour lui en demander plus. J’avais besoin de pages à tenir en main comme un verre et de m’y plonger la tête la première jusqu’au terminus.