Une fille sans histoire

Constance Rivière

Stock, 2019

Adèle est une jeune femme qui vit dans une extrême solitude. Pendant longtemps, son père était sa boussole mais depuis son décès, elle est seule et semble ne pas avoir de famille.

Elle semble avoir du mal à faire la distinction entre le réel et l’imaginaire dans lequel elle aime s’évader. Elle se dit transparente, semble avoir un problème de communication avec les autres. Pourtant, elle s’intéresse aux autres et plus particulièrement à ses voisins qu’elle observe de sa fenêtre ouverte le soir. Elle s’intéressait aussi à Mattéo, dont elle a subtilisé les dessins qu’il faisait sur la table du bar où elle travaillait et allait jusqu’à prendre dans son sac un objet quand il n’y avait pas de dessin. Mattéo n’a jamais rien su de son intérêt. Ce vol fut le motif de licenciement.

On sait dès le début de l’histoire qu’elle est condamnée par la justice mais qu’a-t-elle fait ?

La suite de l’histoire nous l’apprendra, de sa part mais aussi des personnes qui l’ont croisée. On reconstitue son histoire, son parcours, ses pensées.

L’histoire continue sur ce jour si grave des attentats terroristes du 13 novembre 2015. Adèle se retrouve à aller à la cellule psychologique quand elle apprend que Mattéo faisait partie des victimes du Bataclan et elle se présente comme sa petite amie. Elle ne dément pas quand les parents de Mattéo viennent d’Italie et elle continue ce rôle très actif dans l’association de victimes dont elle pense même être salariée.

Progressivement, Adèle devenait l’intime de chaque victime, elle semblait se nourrir, grossir et grandir de toutes les histoires individuelles.

Les parties sur Adèle racontée par un narrateur extérieur sont entrecoupées de points de vues des personnes qui l’ont croisé dès le début de cette histoire. Ces personnes témoignent à la première personne face à un juge. Le regard extérieur sur Adèle vient d’eux, ses parents, une personne de la cellule psychologique, le patron du bar où elle travaillait…

Par eux, on se représente Adèle physiquement et son évolution au sein des victimes.

Avec Adèle, on apprend son histoire trouble avec son père qui déménageait brutalement tous les deux ans comme s’il fuyait quelque chose. Une mère dont elle ne sait rien. Un père plutôt absent auprès duquel elle quémandait de l’attention.

Ce procès la met face à elle-même et à ses faux semblants.

Ce roman est extrêmement bien ficelé. On a envie de poursuivre la lecture afin d’en savoir plus sur Adèle et aussi sur comment elle évolue dans son mensonge et comment elle s’adapte à chaque événement. Les témoignages extérieurs sont intéressants car elle nous donne à voir réellement comment elle était et perçue par eux.

On peut s’interroger sur le besoin de l’auteure à ancrer son histoire dans l’histoire réelle du Bataclan. En tant que lectrice, c’est ce qui fait sa force justement mais c’est aussi ce qui est dérangeant parmi tous les témoignages réels de personnes victimes des actes terroristes qui ont été publiés depuis.

En allant sur la page Wikipédia des attentats du 13 novembre, j’ai appris qu’il y avait des fausses victimes se déclarant avoir été sur le lieu de l’attentat et avaient perçu des indemnités du Fond de Garantie des Victimes des actes de terrorisme.

Adèle, elle, ne voulait pas une indemnité mais s’attribuer une vie afin de mieux exister.

Ce premier roman est un roman maitrisé. Bravo à l’auteure !

Ce roman a été lu dans le cadre des 68 Premières fois.